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mardi 26 août 2014

Boycottons Le Parisien

On croyait cette époque dépassée, mais il reste encore manifestement des Décideurs Pressés Idiots pour maintenir les anciennes pratiques de la publication et du partage des savoirs.

Thierry Crouzet a publié un joli billet, très simple, mais qui frappe juste. Et comme — lui — il a compris comment fonctionne désormais la culture, il l’a publié sous la licence libre CC by-nc-sa. Je le reprends car c’est un texte dont la porté est plus large que ce cas du Parisien, malheureusement applicable à de nombreuses situations. Abuser du droit (d’auteur, ou des marques, ou autre) pour bloquer des publications et renforcer son identité n’est pas acceptable, surtout quand on est un organe de presse.

À titre personnel, je n’ai absolument rien à reprocher à Google dans cette histoire : il fourni un excellent service en indexant le web, pour proposer gratuitement des outils de recherche. Si problème il y a, il est dans l’importance que lui accordent les acteurs du net; plutôt que de chercher à s’opposer à lui, il est bien plus intéressant de construire quelque chose d’autre correspondant mieux à ses propres valeurs et intérêts. C’est là encore une question d’évolution qu’il faut intégrer.


The Parisienne

Quand un journal attaque une blogueuse parisienne pour contrefaçon, juste parce qu’elle est Parisienne, parce qu’elle a nommé son blog The Parisienne[1], c’est tous les blogueurs qui sont attaqués.

On ne nous aime pas, ni dans la presse ni dans l’édition, parce que nous réinventons une parole libre, une parole vraie, une parole qui va là où nul autre n’irait si nous n’étions pas là, une parole qui n’implique aucune prise de bénéfice ni aucune recherche d’intérêt.

Comme nous captons une part d’audience non négligeable, nous impliquons un manque à gagner et nous faire taire s’impose désormais. Le temps du copain-copain et de la complémentarité est-il derrière nous ?

Facile de nous faire chuter. La tactique est éprouvée. Beaucoup de blogs ont déjà fermé après des attaques en diffamation. D’autres résistent. Pensez à Christophe Grébert avec MonPuteaux.com. On ne compte plus les procès pour lui.

Nous sommes des cibles vulnérables. Nous ne gagnons pas d’argent avec nos médias et ceux qui en gagnent encore un peu usent de leurs dernières ressources pour essayer de nous abattre. Dans l’attaque menée par Le Parisien contre The Parisienne, on peut aussi entendre un cri au secours, un cri de désespoir d’une profession encore prestigieuse qui a beaucoup de mal à se réinventer à côté de nous.

Tout ce que va gagner Le Parisien, c’est de perdre encore des lecteurs, et de jeter le discrédit sur ce qui pourrait encore être sauvé, de son côté.

Je me demande si cette attaque stupide ne cache pas quelque chose d’encore plus grave : à cause de la toute-puissance de Google, les acteurs du web se battent sur les mots, sur les adjectifs, sur les consonances pour attraper les internautes. Voilà où La Parisienne doit faire mal au Parisien. Impuissant à endiguer l’hémorragie ouverte dans les kiosques, le journal n’a d’autre voie de salut que le Net, où les gens ne vont pas à lui naturellement, mais grâce à Google. Et voilà où La Parisienne leur nuit peut-être. Je ne fais qu’une hypothèse, qui si elle s’avère juste, risque d’éclabousser plus d’un blogueur.

Je crois malheureusement que si Le Parisien ne retire pas sa plainte nous serons collectivement forcés d’appeler au boycott. Assez terrible de constater que de nombreux politiciens, médias, entrepreneurs n’ont pas encore mesuré la puissance du Net et se prennent les pieds dans son tapis. Réveillez-vous, vous n’êtes plus des intouchables.

Note

[1] antémémoire du billet par Google, car les internets sont résilients

dimanche 24 avril 2011

Regard sur le conflit des générations dans le monde de l'entreprise

Problématique : différentes façons de vivre en entreprise

La fin de la génération du baby boom et la montée en puissance de celle des natifs du numérique[1] donnent lieu a des croisements intéressants en entreprise : les pratiques des seniors, établies depuis les années 60, et celles des nouveaux travailleurs, nourris au web social, sont de nature très différentes.

Touche Entrée d’un clavier

Pour faire simple, nous avons affaire à deux générations :

  • l'ancienne génération : organisée en hiérarchie pyramidale, avec la recherche et l'accumulation du pouvoir; les relations de travail s'inscrivent dans un rapport de force
  • la nouvelle génération : organisée de façon horizontale, avec la mise en avant du partage et des interactions; les relations de travail se fondent sur la collaboration étalée dans l'espace et le temps

Les protagonistes étant posés et le milieu de l'entreprise étant un endroit privilégié pour la naissance des tensions humaines, il ne nous reste plus qu'à observer comment toutes ces personnes vont s'adapter et travailler ensemble. Il y a plusieurs possibilités.

Possibilité : la nouvelle génération doit entrer dans le moule de l'ancienne

Les anciens étant aux commandes de l'entreprise (direction, responsabilités, etc), le changement est verrouillé : saugrenu de remettre en question quelque chose qui a fait ses preuves ! La nouvelle génération claque les talons et se plie aux pratiques en vigueur. Il se produit alors un décalage de plus en plus grand entre la façon de penser et de travailler de l'entreprise, et celle de la vie quotidienne qui continue d'évoluer.

Les perspectives sont très sombres pour l'entreprise, et nul doute que les jeunes employés ne songent qu'à une seule chose : partir vers des lieux plus accueillant. L'entreprise perd son potentiel humain et doit faire face au changement sans les ressources internes nécessaires.

Possibilité : l'ancienne génération s'adapte

Consciente que la société a changé et que l'entreprise doit faire de même pour la suivre, l'ancienne génération se met aux pratiques actuelles : communication des idées en amont, partage des responsabilités, réorganisation de la gestion de projets, outils de travail… tout y passe. À grands renforts de formations en groupe et de coaching individuel, les fax sont mis au placard pour être remplacés par des courriers électroniques.

L'ancienne génération fait alors sienne les pratiques de la nouvelle. Soyons réalistes, cela ne se produit que très rarement.

Possibilité : rien de significatif n'est fait

Devant l’ampleur de la tâche à accomplir et les montagnes de réticences passives et actives à vaincre, les RH préfèrent souvent baisser les bras et s'en remettre « à la bonne volonté de chacun ». Sans l'appui d'une direction impliquée, il est difficile pour eux de mettre en place une telle évolution. Cela aboutit à deux suites possibles.

Le conflit ouvert

Office war

Laissés à eux-même, les membres de l'entreprise s'auto-organisent. Des clans se forment entre les « connectés » et les « déconnectés » : les communications se font respectivement par messagerie instantanée et par affichage sur le tableau à épingle, la mémoire des projets est éparpillée entre wiki et chemises cartonnées, et des gens refusent de travailler ensemble.

Le résultat est l'explosion de la force de l'entreprise, qui conduit inévitablement à sa chute et à la fuite de la nouvelle génération (ce qui revient au même).

La sélection naturelle

L'autre dénouement possible est la réalisation de la théorie scientifique de l'évolution : les plus adaptés au changement survivent.

When Sysadmins Ruled the Earth

L'ancienne génération étant principalement caractérisée par son âge qui entraîne des divergences culturelles avec la nouvelle, c'est tout naturellement qu'elle cède sa place à cette dernière avec une vitesse de plus en plus grande. Le départ en retraite évacue la question de quel style de travail l'entreprise doit adopter, car la nouvelle génération se retrouve de facto majoritaire avec le temps qui passe.

Durant cette période de transition les tensions grandissent habituellement de plus en plus, cela rend la vie interne de l'entreprise compliquée. Ou bien, l'ancienne génération se retranche peu à peu dans une tour d'ivoire et le « corps » de l'entreprise se retrouve alors sans « tête »; cette situation n'est pas non plus des plus avantageuse…

Conclusion

Mon ressenti de l'évolution du conflit (technologico)culturel de l'entreprise est très sévère; j'en suis conscient, les gens des RH me le disent régulièrement. Mais pour avoir visité bon nombre d'entreprises et avoir mis les mains dans leur cœur le plus intime (leurs systèmes d'information), je ne peux que constater les oppositions frontales entre des groupes au sein des entreprises dont la taille dépasse quelques dizaines de personnes; la définition de ces groupes se faisant principalement au final sur l'âge, car cela engendre toute l'approche sociale et les utilisations des technologies qui sont faites par les personnes.

Je n'ai malheureusement pas de solution simple à proposer : si elle existait, nul doute qu'elle serait déjà mise en place. Mais la nécessité de faire correspondre l'entreprise aux pratiques de la société est indiscutable.

Note

[1] les digital natives, pour nos amis les Décideurs Pressés