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jeudi 22 avril 2010

Censure de la recherche et du Libre par l'INPI

Isabelle Vodjdani, enseignante-chercheuse, a participé à la conception d'une exposition sur la contrefaçon; sa contribution était sous la forme d'une présentation du Libre. Mais l'INPI l'a censurée. Je reprends ci-dessous sa contribution à l'exposition.

« Une exposition aux intentions pédagogiques sur la Propriété Intellectuelle, décrit toutes les formes de contrefaçon mais censure les informations se rapportant aux pratiques licites du Libre et de l’Open-Source. Si on avait voulu faire l’apologie des pratiques illicites on ne s’y serait pas mieux pris ! »

Texte sous Licence Art Libre

Le libre, un phénomène en expansion

Dans le cadre du droit d’auteur qui protège les créations littéraires et artistiques, un nombre croissant d’auteurs choisissent de mettre leurs œuvres à la disposition du public avec un type de contrats bien spécifiques qu’on appelle des licences libres. Ces licences autorisent quiconque à diffuser des copies de l’œuvre. Elles l’autorisent également à publier sous sa propre responsabilité d’auteur des versions modifiées de l’œuvre. Ces autorisations sont assorties de deux conditions :

  • Premièrement, il faut mentionner l’auteur de l’œuvre initiale et donner accès à ses sources
  • Deuxièmement, les copies ou versions modifiées de l’œuvre doivent être publiées avec les mêmes autorisations.

Les œuvres libres sont nécessairement divulguées avec une licence qui garantit ces conditions. Parmi ces licences, on peut citer la GNU GPL, pour les logiciels, et la Licence Art Libre, pour les œuvres culturelles. Le domaine des œuvres libres n’est donc ni une zone de non droit ni assimilable au gratuit. D’ailleurs les anglo-saxons associent le mot français « libre » au mot « free » pour écarter toute confusion, car il y a des œuvres gratuites qui ne sont pas du tout libres, et il y a des œuvres libres payantes.

On parle aussi du « monde du libre » pour désigner l’ensemble des acteurs qui participent à la promotion et au développement du domaine du libre. Ce mouvement s’inspire des usages qui régissent la circulation des connaissances dans les milieux académiques. Mais depuis 1983, ce sont les développeurs de logiciels qui sont à l’avant-garde de ce mouvement et de sa formalisation juridique, car dans ce secteur d’activité la nécessité d’innovation est constante et les utilisateurs ont tout intérêt à mettre la main à l’ouvrage pour améliorer les défauts d’un logiciel ou l’adapter à leurs besoins. Ainsi, ils deviennent à leur tour auteurs.

Ce modèle de développement correspond aux aspirations d’une société démocratique composée de citoyens qui apportent une contribution constructive à la vie publique et ne se contentent pas d’être seulement gouvernés. L’intérêt que suscite le Libre est donc d’abord d’ordre politique. Cet intérêt est exacerbé par le fait que les législations de plus en plus restrictives sur le droit d’auteur évoluent à contresens de l’intérêt du public et deviennent des freins pour la création. Dans ce contexte, les licences libres apparaissent comme une issue légale et pragmatique pour constituer un domaine dans lequel les obstacles à la diffusion et à la réutilisation créative des œuvres sont levés.

Dans le domaine de la création artistique et de la publication scientifique, le modèle du libre correspond aussi à une réalité sociale. C’est l’émergence d’une société d’amateurs qui, à la faveur d’un meilleur accès à l’éducation, au temps libre, aux moyens de production et de communication, s’invitent sur la scène en bousculant parfois les positions établies. Ces amateurs sont les vecteurs, les acteurs et les transformateurs de la culture, ils en sont le corps vivant ; sans eux les œuvres resteraient « lettre morte ».

Depuis le 19ème siècle, avec la création des musées et la naissance du droit d’auteur, notre culture a privilégié les moyens de la conservation pour assurer la pérennité des œuvres. Aujourd’hui, les supports numériques et internet sont en train de devenir les principaux moyens de diffusion des œuvres. Certes, internet est un puissant moyen de communication, mais il n’a pas encore fait ses preuves en tant que moyen de conservation. Ce qui se profile avec le modèle du libre, c’est que parallèlement aux efforts de conservation dont le principe n’est pas remis en cause, une autre forme de pérennisation retrouve sa place dans notre culture ; il s’agit de la transmission, qui fonde aussi la tradition. Or, l’acte de transmission passe par un processus d’appropriation (on ne peut transmettre que ce qu’on a déjà acquis ou assimilé), et cela implique des transformations qui font évoluer les œuvres. C’est la condition d’une culture vivante, une culture portée par des acteurs plutôt que supportée par des sujets.

mercredi 2 septembre 2009

Courrier des lecteurs : utilisation de TOR en France

Régulièrement, je reçois des courriers me demandant des précisions sur mes billets, ou des conseils en relation avec mes activités sur le net. Je prend toujours le temps d'y répondre en longueur, mais certains messages gagneraient à être plus largement diffusés, car les mêmes questions reviennent régulièrement.

Ainsi, les mails concernant la protection de la vie privée tournent souvent autour de deux thèmes : comment protéger sa vie privée dans telle ou telle activité, et est-ce légal de vouloir la protéger avec un outil précis. Voici le dernier message que j'ai reçu à ce sujet.

Je vous écrit suite au fait que vous soyez noté comme adresse de contact du noeud de sortie Tor "rebelZ".

Ce dernier est à priori hébergé en France sur une machine chez GANDI. Vu que je m'intéresse à la situation actuelle de Tor vis-à-vis de la législation autour des télécommunications qui a tendance à se durcir en France, je me demandais si vous aviez eu le moindre problème légal jusqu'ici.

Par ailleurs, quelles sont vos relations avec GANDI ? Leur avez-vous demandé avant de démarrer ce relai ? Vous ont-ils déjà transmis des plaintes concernant ce service ?

Merci d'avance si vous preniez le temps de répondre à mes quelques questions.

PS : Je vous joint ma clé GnuPG si vous désiriez me chiffrer votre réponse.

Je suis effectivement un client de Gandi, sans rien de particulier : je leur confie la gestion de plusieurs DNS, utilise leurs systèmes de blog, d'hébergement et de courrier. Bien que je trouve leurs prix élevés depuis quelques temps (principalement à cause de l'augmentation de la concurrence) je reste chez Gandi car la qualité de service est élevée : uptime correct, interfaces web efficaces, et une bonne assistance en cas de soucis.

Ainsi, lorsque j'ai besoin de déployer rapidement un petit serveur pour héberger un projet ou tester quelques outils, j'utilise l'hébergement mutualisé de Gandi. La machine rebelz (rebelz.Clauzel.nom.fr) est l'une d'entre elles. Elle n'a rien d'extraordinaire, si ce n'est le fait qu'elle n'accepte que des connexions chiffrées (https, ssh, svn+ssh, etc) et que ses volumes sont eux aussi chiffrés. En effet, elle sert actuellement de plate-forme communautaire à un petit groupe de chercheurs de mon laboratoire. Pour parler technique, il s'agit d'un serveur headless mutualisé Debian constitué d'une seule part (1/64e).

En ce qui concerne TOR (couplé à outils comme privoxy, socat et tsocks), je l'utilise depuis ses débuts, et j'ai pour habitude de mettre en place des relais là où je le puis afin de renforcer son usage. C'est donc tout naturellement que j'ai mis en place un nœud sur rebelz.

À ma connaissance, TOR n'a jamais été impliqué dans le cadre d'une enquête judiciaire en France, aussi bien en simple relais qu'en nœud de sortie. Mais le mieux serait d'interroger directement des juristes spécialisés. Néanmoins, comme il s'agit là d'assurer le rôle d'opérateur technique permettant l'interconnexion de systèmes informatiques, je ne vois pas la possibilité pour un juge de mettre en cause l'administrateur : en effet, rendre responsable l'administrateur de l'usage qui est fait du relais obligerait également à rendre responsable France Télécom des appels circulant par ses lignes. Inconcevable, quoi qu'en disent les ayatollahs de LOPPSI.

En ce qui concerne l'utilisation des machines virtuelles de Gandi, les conditions générales de l'hébergement (article 3) ne font aucune mention de la mise en place de relais de services. Les seules contraintes sont le respect de la législation française (droit d'auteur, diffamation, etc) et la gestion en « bon père de famille ».

En résumé : TOR, yabon.

dimanche 21 juin 2009

Vie quotidienne au CNRS : censure des opinions personnelles

Thibaud Hulin travaille avec moi au LIRIS, CNRS UMR5205, dans l'équipe SILEX. Thibaud Hulin et moi partageons le même statut, à savoir contractuel et non pas titulaire.

Dans le contexte de l’affaire Vincent Geisser, Thibaud relai les évènements en cours et les commente. Quelques jours plus tard, il reçoit un appel téléphonique (quand on connait l'état de l'annuaire du LIRIS, c'est déjà en soit une surprise :) du directeur de laboratoire lui demandant de supprimer son billet; la demande venant du service du Fonctionnaire de Sécurité Défense (FSD).

Au delà d'un soutien normal envers mon collègue de travail, je ne peux pas m'empêcher de m'interroger sur les prérogatives et droits de ce fameux FSD qui agit tant mais dont on ne sait rien.

Sur cette affaire, je ne prend pas position sur les travaux de Vincent Geisser, que je ne connais pas, mais sur le contrôle de la liberté de parole des personnes travaillant au CNRS.

En savoir plus :