Contexte

Au moment où je commence la rédaction de ce billet (début mars 2009), le CNRS et les universités sont en lutte contre les réformes universitaires imposées par le gouvernement.

Mais en parallèle, la vie quotidienne se poursuit, avec son ensemble de petits tracas. Un exemple concret des problèmes qui encombrent la recherche publique est l'achat de petit matériel. Dans mon cas, il s'agit d'une webcam, la Logitech QuickCam Communicate Deluxe, disponible chez LDLC à 39,90€.

Il se trouve que mon équipe de recherche, SILEX a besoin d'une webcam pour réaliser des expérimentations et des visioconférences. Sans être extraordinaire, cette webcam a besoin d'avoir des caractéristiques précises : compatibilité avec nos systèmes existants, capacités techniques, etc.

Notre choix s'est porté sur cette QuickCam qui équipe bon nombre de foyers français, et qui est disponible un peu partout. Sauf pour le CNRS, qui doit suivre des procédures d'achats particulières : le Marché public (brrr).

Voici donc comment se passe concrètement de nos jours l'achat d'une webcam au CNRS. Et après on s'étonne que la recherche publique va mal…

Fin novembre 2008

Fin novembre 2008, la décision est prise de réaliser l'achat. Muni de l'autorisation officielle de mon supérieur hiérarchique (un courriel), je discute donc avec la secrétaire du laboratoire afin de faire une demande d'achat pour l'équipe.

La démarche est très simple, je n'ai qu'à donner la référence du produit (avec en plus dans mon cas le lien vers la fiche de LDLC) et le secrétariat s'occupe du reste.

Sauf que… plus possible de faire d'achats, le budget annuel est bouclé : il faut attendre mi-janvier 2009 que le nouveau budget soit ouvert et que les vacances soient terminées. Soit.

Mi-janvier 2009

Je réactive la demande d'achat; mais la réponse arrive très rapidement : impossible de commander la webcam. Il faut obligatoirement passer par le marché pour réaliser cet achat, catégorisé par le CNRS dans les « consommables ». Il faut donc faire notre choix dans le catalogue proposé par l'entreprise ayant remporté ce marché.

Mais ce catalogue n'a qu'une seule webcam en référence, qui :

  1. ne correspond pas du tout à nos besoins;
  2. est plus chère de 15% que le prix constaté dans le commerce.

Il nous faut donc trouver une solution. Nous décidons de négocier directement (comprendre, « par email et par fax ») avec l'entreprise ayant remporté le marché sur cette catégorie, afin qu'elle nous propose un produit, à un prix acceptable, qui corresponde à nos besoins. Je ne suis pas sûr que cette démarche soit conforme aux procédures, mais les autres alternatives ne sont pas envisageables :

  • lancer une procédure de demande d'achat hors-marché : c'est long, très long, car ça passe par différentes commissions pour être validé et n'a aucune garanti d'être accepté;
  • réaliser l'achat sur mon salaire, et faire une demande de remboursement : ce qui veut dire ne pas avoir de certitude sur le fait d'être remboursé (car la procédure n'a pas été suivie), et que de toute façon les délais seront astronomiques (environ 6 mois).

L'entreprise répond qu'elle va établir un devis pour nous le soumettre. Entre-temps, la secrétaire fait remonter à l'administration (laquelle ? Je ne sais pas) les prix anormalement élevés du marché (qui a choisi ce fournisseur ? je l'ignore).

Début mars 2009

Rien. Pas de nouvelles précises si ce n'est que « les démarches sont en cours ». Cela fait désormais un peu plus de trois mois que j'ai demandé une webcam à 39€ pour travailler, et je n'ai toujours rien.

Mi-mars 2009

La webcam est arrivée au secrétariat du laboratoire. Il aura en tout fallu 3 mois et demi, ainsi que de nombreux échanges par email, fax et téléphone pour obtenir une webcam grand public achetable partout en France et sur internet.

Conclusion ?

D'un point de vue très concret, une des améliorations simples envisageables pour faciliter la recherche en France serait de simplifier les procédures administratives. Le principe des marchés publics avait à l'origine comme but de favoriser la baisse des prix via des achats de masse, et d'éviter les abus de favoritisme. Mais de nos jours, ce mécanisme des marchés publics bride le travail au quotidien.

Ainsi, le nouveau système mis en place pour les missions impose de déclarer au minimum 7 jours à l'avance les achats de billets de train. Il devient alors très difficile (et long) de se faire rembourser des déplacements impromptus mais tout à fait légitimes.

Parmi toutes les réformes de la recherche publique, il ne faudrait pas oublier celle-ci : simplifier les achats de petits matériels.