OVEI, seconde édition
Dans la suite de la première édition, j’ai été invité à participer à OVEI2. Rappel : l’objectif d’OVEI est de permettre la rencontre informelle entre des élus, hauts responsables d’administrations, et experts techniques de la vie civile.
Cette seconde édition d’OVEI avait lieu au Palais d’Iéna qui accueille le Conseil économique, social et environnemental, un soir en semaine, avec un format plus cadré que la fois précédente puisque trois ateliers étaient proposés après une session plénière. J'ai participé au premier qui traitait des questions de souveraineté et de gouvernance sur internet.
Il y avait environ une centaine de participants, avec des proportions égales de geeks et de politiques. La presse spécialisée était également cette fois plus présente, la presse généraliste représentée indirectement.
Discours d'ouverture
Jean-Paul Develoye, président du CESE :
- c'est la crise. Saura-t'on faire évoluer les structures — et surtout les gens — pour s'adapter ?
- difficulté au changement : problème culturel français
- jusqu'où aller dans l'ouverture et la transparence ?
- internet est encore décrit comme « l'aventure »
- retour sur l'expérience d'évolution du CESE : email remplace papier, livetweet des séances, streaming vidéo. Fait peur au début, mais une fois apprivoisé est très stimulant
- la France est un pays qui — curieusement — a peur de l'innovation
- nécessité de la prise de contrôle par les citoyens de l'espace politique pour construire les projets de société
- les élus et les institutions sont les responsables du status quo politique en France/ Besoin de rouvrir les camps pour les faire bouger
- les gens sont connectés (à internet) mais déconnectés (de la politique) : ça parle mais ça ne s'implique pas
Laure de La Raudière, députée :
- but d'OVEI : assurer un dialogue entre les geeks (qui connaissent et font internet) et les politiques (qui représentent les citoyens et leurs intérêts) sans lobbies
- il n'y a pas de questions naïves
- il faut comprendre le fonctionnement d'internet pour pouvoir légiférer correctement à son sujet
Benjamin Bayart, président de FDN :
- il y a toujours un intérêt à mieux se connaître et à mieux se comprendre. Qui ça concerne ? Le monde d'internet et le monde politique
- difficulté d'expliquer l'importance du net aux personnes qui ne le comprennent pas
- importance de dénoncer les absurdité de la législation faite par des gens ne comprenant pas internet : droit à l'oubli, filtrage de contenus, zone de non-droit, etc.
- la notion clé est la peur : c'est sur internet donc c'est grave/dangereux car incontrôlable
- c'est la société qui a choisi d'utiliser internet pour réaliser son changement (technologie adaptée au bon moment), ce n'est pas internet qui change la société
- aberration du droit à l'oubli : une fois que c'est publié sur internet, on ne peut pas forcer les gens à oublier ou à ne pas lire. Les archives sont la mémoire : on ne doit pas imposer des lobotomies; ouverture sur des dérives ultérieures de réécriture du passé
Atelier 1 : Gouvernance d'internet et souveraineté
Quinze personnes, dont six filles et zéro chat
- Tour de table : chercheurs, entrepreneurs, institutionnels, direction ICANN, bidouilleurs de l'hébergement, journaliste, attachés parlementaires, hacktivistes du net
- Problématique de la gouvernance d'internet en France : pas de responsable clairement désigné pour coordonner. Cas d'ACTA : pas de ministère initialement en charge (culture, extérieur, industrie, etc, qui bottent en touche). Réaction des citoyens qui ont pointé du doigt les délégués français, et qui leur ont demandé de rendre des comptes
- Difficulté : pas de représentant des internautes en France, comme Chirac était le représentant des agriculteurs. Pas d'incarnation du net.
- La culture diplomatique française est de signer des accords puis de négocier des exceptions. Problème : pas réaliste dans le cadre d'internet
- Le politique n'a rien à gagner dans le net, donc ne s'investit pas → donc les lobbies industriels prennent le contrôle
- Des politiques ont le réflexe d'un (supposé) pilotage du net par poussage de boutons : couper les DNS, filtrer les paquets, etc
- Les plate-formes deviennent des territoires : dans Facebook on respecte la loi de Facebook, sur les services et serveurs Google on respecte la loi de Google. Glissement de la notion de souveraineté vers des espaces dirigés par le privé et non plus par les états.
- Exposition des problèmes sur la souveraineté des nations sur le net
- Pour l'ICANN : le problème n'est pas tant le poids du gouvernement US que celui du droit californien
- La gouvernance sur internet est moins un problème de droit qu'un problème d'influence : comment obliger les autres à respecter notre volonté ?
- Au final, on a le contrôle uniquement sur ses équipements physiques nationaux
Notes sur l’atelier « Atelier gouvernance et souveraineté »
- très fortes discussions sur l'ICANN, son rôle (et sa supposée justification), et les acteurs qui l'influencent
- les représentants de l'ICANN défendent farouchement leur bifteck… et son existence
- discussion uniquement techniques entre geeks, les politiques restent en retrait. Pas sûr qu'ils aient retenu (compris ?) ce qui a été dit dans les discussions
- durée trop courte de l'atelier
- l'atelier aurait du être nommé « l'ICANN », ou mieux « Pour Nicolas Arpagian l'ICANN est un organisme de centralisation du net sous la trop grande influence des USA ». Là au moins on aurait compris ce qui allait être rabâché durant une heure…
- les tentatives d'aborder un autre angle des problématiques ont toutes été torpillées pour revenir de force sur la question de l'ICANN : systèmes anationaux ou transnationaux (Freenet, TOR…), racines alternatives du DNS, systèmes parallèles et réorganisations, etc. Rien à faire : il fallait absolument parler de l'ICANN et du gouvernement américain ; très gênant car la thématique de l'atelier n'a été abordée qu'avec un angle unique, celui des institutionnels qui veulent une gouvernance forte et centralisée permettant — hypothétiquement — d'appliquer une contrôle strict sur internet. Cette centralisation étant alors contraire aux fondements technologiques d'internet, cela pose problème.
Notes sur OVEI2
Le palais d’Iéna est un bâtiment un peu étrange, avec des allures d’ancien habillé d’une décoration contemporaine. L’impression qui s’en dégage est celle des hôtels internationaux : consensuel, neutre et immémoriale. On ne retient pas son existence. Peut-être est-ce voulu pour encourager l’attention à se porter sur le travail ? Mais ça laisse un goût de fade en bouche
Cette seconde édition d’OVEI est une demi-réussite. Les geeks ont bien sûr répondu présents sans hésiter, mais si la participation des élus était légèrement en hausse elle était bien en deçà de ce que l’on pouvait espérer. Même avec une organisation en semaine en plein Paris — contrairement à l’hippodrome de Rambouillet un dimanche — les politiques ont été peu nombreux à faire le déplacement. Il y en avait des déjà sensibles aux questions du numériques — directement présents ou via leur assistant — mais les principales personnes qui auraient gagné à s'intéresser à internet n'ont pas fait l'effort du déplacement malgré tout le poids institutionnel donné à l'événement.
Les ateliers apportent un gros plus pour la stimulation des discussions, mais peuvent encore être améliorés : ils étaient trop courts, pas assez cadrés thématiquement, et avec une faible préparation des participants. Un de leurs inconvénients est de fortement segmenter les discussions ; on perd la sérendipité du rassemblement de personnes aux profiles très variés, qui discutent spontanément sur des sujets libres. Le buffet final permet de rattraper cela, mais gagnerait à être introduit par une courte synthèse des ateliers afin de favoriser le brassage pour que les groupes se mélangent au lieu de poursuivre des discussions précédentes.
La prochaine étape ? L'organisation d'un « OVEI à Lyon » !
Ressources
- galerie de photos : ici et là
- Twitter : #OVEI #OVEI2 , liste de participants
- CR d'OVEI2 par Laure de La Raudière
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