Contexte
Du 6 au 8 juin 2011, j'ai participé au congrès international ITS2011 sur la thématique de la mobilité intelligente : les systèmes d'informations pour le transport durable des biens et des personnes en région urbaine. Pour faire simple, il s'agit d'ajouter de l'intelligence dans les transports en ville via l'informatique.
The main focus of the Congress will be "Intelligent mobility - ITS for sustainable transport of persons and goods in urban regions", paying particular attention to the following topics:
- Co-modal urban transport management
- Electromobility
- From cooperative systems to integrated mobility services
- From smart concepts to successful implementation
- Governance and business issues
- Information and communication: providers and users
- ITS for adaptive and resilient cities
Le congrès était fréquenté par trois types de personnes :
- les Décideurs Stratégiques, habillés de somptueux costumes, venus pour faire la promotion de leurs entreprises et discuter avec les élus locaux et les représentants du gouvernement;
- les commerciaux, habillés de moins beaux costumes, étaient présents pour vendre les services de leurs entreprises;
- les ingénieurs, habillés de chemisettes, s'occupaient de tenir les stands, d'assurer les démonstrations et de répondre aux questions.
Vous l'aurez compris, pas d'informaticiens-barbus, ni de techno-wiz en t-shirt. Les scientifiques présents, via les programmes de la commission européenne, s'étaient réfugiés dans des salles à part pour travailler. À côté des hôtesses en tailleur de chez Orange, j'ai donc régulièrement attiré l'attention. Heureusement que le stand de l'ITS France (avec sa machine à café) était plus accueillant : il servait de point de ralliement aux chercheurs.
Quelques éléments du congrès
Orange Business Services : rien d'intéressant, Orange se focalise sur son modèle économique historique : vendre de la bande-passante. Développement de petites applications pour terminaux mobiles afin d'accéder aux réseaux sociaux tout en roulant (vocalisation de statuts Facebook, reconception d'interface web, etc)
Véhicule électrique de Mia, avec instrumentation par Orange
Renaud Truck propose des logiciels pour assister les professionnels de la route. L'idée est de croiser des outils de géolocalisation, de capture d'image et de transmission de données afin de proposer des facilités aux besoins spécifiques des chauffeurs (capture de preuve sur l'état de la cargaison, par exemple). Également, des outils de calcul d'itinéraires et de tournées adaptés aux contraintes des camions (taille, poids, manœuvrabilité, réglementation, etc).
Ailleurs, rien d'intéressant : des voitures équipées de « tableaux de bord intelligents » (comprendre : qui intègre les capteurs de recul au lieu d'avoir un écran déporté), des systèmes d'analyses vidéo pour repérer et quantifier les embouteillages, des récepteurs satellites en veux-tu en voilà couplés à des bases de données privées… En dehors de quelques prototypes industriels sympathiques (drone aérien ou simulateur de conduite), rien d'innovant mais plutôt des intégrations de technologies existantes.
La vidéosurveillance est en très forte augmentation. Les arguments avancés sont des besoins en image de points stratégiques pour la congestion des transports et la sécurité des personnes, mais en pratique rien n'empêche l'usage parallèle des images pour la surveillance des personnes.
Dispositif de vidéosurveillance urbaine
Niveau recherche, l'accent était mis sur les calculs d'autonomie des véhicules électriques. En fonction de l'usage (vitesse, charge, chauffage, musique, etc) et de l'environnement (qualité asphalte, vent, température) la tension de la batterie évolue différemment. D'où des besoins en analyses et prédictions des usages. Des idées de croisement des informations (trafic, météo, etc) des opérateurs de routes avec celle de la voiture pour affiner les calculs.
Aussi, des questions d'ergonomie : il faut utiliser des grandeurs utiles (kilomètres ou minutes restants) et pas abstraites (joules, watt, etc) qui ne donneraient pas d'info « utiles ».
Ce que je retiens du congrès
Un véhicule doit forcément être électrique, les autres technologies (gaz, pétrole, etc) ne sont même pas évoqués. En discutant avec les ingénieurs, on se rend compte que tout le monde est déjà passé dans l'après-pétrole au niveau des transports. Selon les cycles de vie des technologies (par exemple, 10 ans pour les camions), les avancés sont plus ou moins visibles, mais la solution des véhicules hybrides est évacuée : l'avenir est purement électrique; conserver 2 approches est trop coûteux.
L'expression clé du congrès était « interopérabilité ». Comprendre « interopérabilité technique », c'est à dire comment on peut interconnecter différents systèmes pour les faire travailler ensemble. Par exemple, pour croiser les informations de la ville sur l'encombrement des routes, le remplissage des stations Velo'v et les bus des TCL.
L'idée est très bonne, à un détail majeur près : PERSONNE n'est motivé pour ouvrir les données de ses systèmes. Donc chacun se regarde en chien de faïence, et rien n'avance sauf en dehors de « partenariat stratégique ». L'expression « open data » revient souvent, portée comme étant LA solution, mais dès qu'il s'agit d'ouvrir ses systèmes les entreprises refusent. Le problème est que les directions commerciales n'ont aucune réelle idée sur comment valorisée les données provenant de leurs systèmes, et que les directions juridiques bloquent de peur de se prendre des procès pour avoir exporter des données personnelles.
Drone radiocommandé de vidéosurveillance
Le libre n'est jamais spontanément évoqué dans les discussions, en partie à cause du fait que les dirigeants ne sont pas au courant de ce genre d'approche. En revanche, les ingénieurs sont très intéressés (et même impliqués), le problème étant les politiques des entreprises qui bloquent sur les évolutions du droit d'auteur. De nombreuses réalisations présentées durant le congrès s'appuient sur le libre (serveurs, techno, etc) mais cela n'est jamais évoqué; un démonstrateur (commercial) a même eu l'air gêné quand j'ai posé la question à son « expert technique ». Il faut croire que c'est mal vu dans le domaine du transport.
La cérémonie d'ouverture était aussi longue qu'ennuyeuse, encombrée par des discours d'hommes politiques (oui, pas de femmes dans le transport) qui sont repartis aussitôt après être intervenus. Gérard Colomb et Jean-Jack Queyranne aiment bien mettre en valeur ce qu'ils disent faire en matière de transport, mais acceptent rarement d'en débattre avec des citoyens et des chercheurs; on se demande pourquoi… Ah si, je sais en fait : les TCL sont exécrable en matière de transport en commun, et personne n'ose faire quoi que ce soit. Sans parler de l'absence de réflexion sur les infrastructures de transport dans le projet du Grand Stade lyonnais.
Le buffet qui a suivi la cérémonie d'ouverture était quelconque : champagne bas de gamme pas assez frais, jus de fruits reconstitués, et petits-fours tellement gras qu'ils luisaient de mille feux sous les lumières. Heureusement que les canapés à la sauce de Roquefort ont sauvé les meubles.
Bonus
Vidéo improvisée d'interludes artistiques durant la cérémonie d'ouverture. WTF ?! Première fois que je vois cela à un congrès technologique.
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