Au LIRIS, nous n'hésitons à pas donner de notre personne pour résoudre les problèmes. Surtout quand il ne sont pas du domaine de nos spécialités. Laissez-moi vous raconter une histoire.
L'histoire
Il était une fois, un groupe de chercheurs qui sortaient de leur laboratoire afin de rentrer chez-eux.
Chemin faisant, ils se firent héler par une splendide demoiselle aux doux yeux maquillés tel le dieu Ra. La jeune fille était bien en peine car sa voiture, suite à une mauvaise manœuvre, se trouvait perchée sur un plot de béton.
Les chercheurs étaient emplis de bonne volonté et s’approchèrent afin d’examiner cette curiosité. Ils se mirent à tourner autour de la voiture, à palper des éléments, à poser des hypothèses et à estimer les différents paramètres.
Leur conclusion fut sans appel : oui, cette voiture était effectivement bloquée sur le plot en béton, et le dégagement allait être une opération délicate car son dessous commençait à être endommagé.
Une fois ce constat établit, restait aux chercheurs à proposer et à mettre en œuvre une solution. En effet, la demoiselle en détresse n'avait pas fait appel à eux pour lui apprendre ce qu'elle savait déjà (à savoir que sa voiture était coincée sur un plot de béton), mais bien pour y apporter une réponse.
Comme nos chercheurs étaient emplis de bonne volonté et se sentaient d'humeur virile, ils affirmèrent vouloir relever ce défi. Mais comment faire ? Deux courants de pensée apparurent.
Il y avait d'une part des chercheurs, emportés dans un élan idéaliste, qui songeaient à fournir des appuis supplémentaires à la voiture afin de lui permettre de se mouvoir de nouveau; et donc de se dégager par elle-même. En langage courant on appelle cette technique « mettre une rampe sous les roues ».
Et d'autre part, des chercheurs (sans doute pressés de rentrer chez eux vu l'heure déjà tardive; qui pourrait leur en vouloir ?) préféraient dégager la voiture à la main en la portant.
En personnes civilisées, les chercheurs se sont mis à débattre du pour et du contre de ces deux approches. Pendant que la demoiselle en détresse commençait à désespérer de voir son problème résolu (surtout que, apparemment, la voiture n'était pas à elle…).
Ne pouvant arbitrer, mais restant toujours bons collègues, les chercheurs établirent le compromis de réaliser les deux solutions.
Le premier petit groupe de chercheurs s'en allât emprunter sur un chantier voisins des matériaux de construction : parpaings, planches épaisses, cales… ils étaient certains d'y trouver les ressources nécessaires à leur entreprise.
Pendant ce temps, hésitant sur la conduite à tenir durant l'expédition du premier groupe, le second groupe de chercheurs rassurait la demoiselle en détresse. Se faisant, les chercheurs examinaient aussi la voiture; cherchant qui des points de levage, qui estimant l'effort à fournir pour lever et porter la voiture, etc.
Finalement, n'y tenant plus et ne voyant toujours pas revenir le premier groupe, les chercheurs du second se rassemblèrent autour de la voiture, la levèrent et la portèrent au delà du plot bétonné.
Folle de bonheur, la demoiselle remercia ses sauveurs et s'en allât rejoindre son prince charmant. Ne voyant toujours pas revenir ceux du premier le groupe, les chercheurs se dispersèrent pour rentrer chez eux.
Nul ne sut jamais ce qu'il advint des autres chercheurs partis en quête de matériaux.
Conclusion
Il ne faut pas sous-estimer la capacité de la force brute à résoudre un problème complexe ou sensible.
Discussion
Régulièrement dénigrée dans le monde de la recherche où elle peut être qualifiée d' « inélégante » et de « simpliste », la force brute n'est pas pour autant dénuée de qualités.
En effet, utilisée correctement, elle permet de répondre à un besoin avec des coûts modérés et une mise en œuvre rapide.
Par exemple, supposons que nous aillons à examiner 30000 heures de vidéo provenant de caméras de surveillance pour en relever les passages d'un personne. Les images, qui proviennent d'appareils de qualité moyenne, sont régulièrement floues ou bruitées.
Quelle est la solution la plus rentable ? Concevoir et développer un logiciel d'analyse d'image avec détection de formes et reconnaissance de visages, ou d'embaucher 100 chinois 10 heures par jour durant 30 jours ?
Dans le premier cas, il faut recruter des experts, des ingénieurs et des développeurs dans de nombreuses disciplines : génie logiciel, analyse de signal, traitement de données temporelles, etc. Cela coûte cher et l'estimation du temps nécessaire à la mise en œuvre est imprécise.
Dans le second cas, avec 100 chinois payés $5 par jour durant 30 jours, le coût sera de $15000 et le travail aisé à planifier.
Certes, on peut avancer que le développement du logiciel de reconnaissance est un investissement et permet donc de diminuer le coût unitaire à la longue. Mais en contrepartie, il est moins adaptable que les humains à qui on pourra demander de rechercher dans les images une voiture, une personne portant une valise précise, etc.
Il est également important d'évaluer le coût de maintenance : revient-il plus cher de remplacer un élément déficient (pour cause de maladie ou de casse) d'un système base sur la force brute (tel un ouvrier chinois ou encore un ordinateur basic), ou bien de remplacer un élément d'un système sophistiqué (tel un expert international ou un supercalculateur intégré) ?
Malgré tout, il ne faut pas oublier que l’apparente simplicité d'une solution à base de force brute est illusoire. Cette approche demande des investissements en coordination et en gestion des nombreux éléments : il est loin d'être évident d'interconnecter des milliers d'ordinateurs, et lorsqu'il s'agit de travailleurs humains le support devient une tâche à part entière (rotation d'équipes, restauration, commodités, etc.)
Le choix de la stratégie d'approche intervient tôt dans le cycle de résolution de problème; on constate qu'il peut avoir un impact significatif sur le reste du projet. il est donc important d'évoquer la question suffisamment tôt, par exemple durant la phase d'analyse, afin de ne pas se retrouver piéger.
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