décembre 2011 (3)

mercredi 14 décembre 2011

Participation au forum 2011 des Interconnectés

Dans le cadre de mes activités politiques (Parti Pirate Rhône-Alpes et OpenData69) à Lyon, j'étais invité à intervenir au forum 2011 des Interconnectés.

Les exposants du salon :

  • des PME inconnues, qui proposent des clones d’outils existant déjà, avec une grosse surcouche de mercatique
  • ALDIL, présente car invitée chaque année par des relations « pour apporter un contre-point »
  • quelques grands institutionnels (régions)
  • des grands groupes industriels (CISCO, VMware, Orange…)

Les Interconnectés 2011

Atelier : Le pari de l'open-data: pourquoi ouvrir mes données ?

Animateur : M. Charles Nepote, la FING

Intervenants:

  • M. Frédéric Théodore, Communauté urbaine de Bordeaux
  • M. Romain Lacombe, ETALAB
  • Mme Claire Gallon, Directrice LiberTIC
  • Mme Karine Feige, Directrice du projet SITRA
  • M. Jean-Marie Bourgogne, Ville de Montpellier
  • M. Damien Clauzel, Parti Pirate Rhône-Alpes
  • Mme Bernadette Kessler, ville de Rennes
  • M. Mickaël Douchin, Gestionnaire de projet, entreprise réutilisatrice 3liz

J'étais invité à intervenir dans cet atelier sur les données ouvertes aux côtés d'élus, de groupement de citoyen et d'entrepreneur. Nous avons partagé notre expérience sur la mise en place et le travail avec les données ouvertes dans nos communes et agglomérations respectives.

Participants et public

  • Âge moyen d’un peu plus de 40 ans, avec un écart-type pas trop grand.
  • Surtout des hommes en costumes légers. Je crois bien être le seul participant en t-shirt, ou à avoir les cheveux longs.
  • Surtout des institutionnels et des représentants locaux de grands groupes dans les télécoms et l’informatique. Quasiment pas d’élus.
  • Les gens qui portent les plus beaux costumes sont sagement assis au premier rang, à porté des caméras de retransmission :)
  • La présence du Parti Pirate surprend mais est tout à fait comprise. Les gens ont presque tous une vague idée de qui nous sommes et de ce que nous faisons.
  • Très (trop) peu de personnes capable de répondre aux interrogations techniques concrètes (interconnexion des SI' etc)
  • Une pincée de SS2L, mais militantes
  • Quelques personnes techniques, qui semblent surtout accompagner les « responsables » ayant pouvoir de décision

Ma contribution au débat a porté sur le travail de sensibilisation que nous effectuons au PPRA, ainsi que la promotion du collectif naissant OpenData69.

Il en est ressorti que chaque situation locale présentée était fortement différente des autres de part la taille, la nature des données disponibles, les besoins des administrations et les attentes des citoyens.

Les institutionnels ont compris qu’il se passe quelque chose au niveau de l’innovation, que quelque chose nommé « données ouvertes » est mis en avant (sans comprendre précisément de quoi il s’agit) et qu’il faut s’y intéresser maintenant sous peine d’être largué.

Les institutions (collectivités, administrations) recherchent des interlocuteurs pour les guider sur les données ouvertes. Pas de compétence en interne, pas de référent étatique. Du coup, elles se copient les unes sur les autres pour cloner des initiatives ; problème : les terrains varient grandement et donc les initiatives ne prennent pas sans que les gens en comprennent la raison. Il y a donc un besoin de réflexion au niveau supérieur (via des chercheurs et des experts)

Les institutionnels sont bien souvent dépassés : ils viennent juste d’intégrer les pratique de la numérisation des données, et on leur demande de « tout casser pour faire des données ouvertes ». Ils manquent grandement de compétences informatique et ingénierie en interne. Ils sont très peu intéressés pour renforcer leurs effectifs à ce niveau car ils considèrent que ce n’est pas leur mission de « faire de l’informatique ».

Des gens parlent encore du « numérique » comme s’il s’agissait d’un domaine à part. Problème : notre société repose désormais sur internet, et est donc de facto numérique.

En réponse aux beaux discours des groupes industriels, les défenseurs du libre interrogent sur les conditions d’accès et de réutilisation aux données. Bottage en touche gêné, il est sous-entendu que les grands industriels préfèrent vendre les données publiques qu’ils produisent (WTF ?).

La dimension des données ouvertes qui revient le plus souvent est celle de la cartographie avec les SIG. OpenStreetMap apparaît comme la base standard pour construire des outils de présentation des données géolocalisées.

On repère très aisément deux catégories de participants : ceux qui savent ce qu’ils disent quand ils évoquent les données ouvertes car ils ont mis les mains dedans, et les gestionnaires qui parlent de « projets » et de « volonté » sans vraiment savoir ce que ça implique sur le terrain derrière.

Il n’y a pas de cadre général des données ouvertes en France : chaque terrain est différent : origine du projet, acteurs moteurs, communauté des utilisateurs et des réutilisateurs, etc.

Conférence plénière : Repenser le politique à l'heure du numérique: vers un gain démocratique ?

J'étais également invité à participer à la session plénière sur le thème « Repenser le politique à l'heure du numérique: vers un gain démocratique ? » aux côtés de plusieurs élus. De part la composition du panel, c'était LA session potentiellement la plus intéressante de la conférence, mais aussi la plus agitée[1].

Animateur : M. Patrice Carré, France Télécom Orange

Intervenants :

  • M. Dominique Cardon, sociologue et chercheur
  • M. Fabrice Dalongeville, vice-président de l'AMRF et maire d'Auger-Saint-Vincent
  • M. Daniel Nouaille, président de la Communauté de Communes du Val de Vienne
  • M. Benjamin Lancar, conseiller régional d'Ile-de-France
  • Mme Pascale Luciani-Boyer, maire-adjointe de Saint-Maur-des-Fossés et vice-présidente de l'association des maires d' Ile-de-France
  • M. Damien Clauzel, Parti Pirate Rhône-Alpes

L'idée était de discuter sur l'impact d'internet sur les pratiques démocratiques en France (prise de décision, retour des citoyens, etc.)

J'ai été très agréablement surpris par les positions de Benjamin Lancar[2], qui allait à l'encontre de celles défendues par les autres membres de son parti UMP. Il a fait un très joli plaidoyer en faveur de l'ouverture du travail des élus en direction des citoyens, et sur l'importance de la transparence et de l'application des prises de décision sur les sujets sensibles tels que l'attribution des logements sociaux. Sa proposition d'associer les citoyens aux commissions d'études des demandes est une idée que pourrait totalement défendre le Parti Pirate.

Ma principale contribution a été d'exposer la problématique de l'augmentation de l'envie de démocratie participative exprimée par les citoyens au travers d'internet.

Évolution de la pratique démocratique en France

Il y a un siècle de cela, le temps politique et la représentation du peuple n'était pas les mêmes qu'aujourd'hui. Les gens choisissaient un lettré — au sens premier du terme, car peu de gens savaient lire et écrire —et l'envoyaient à Paris pour les représenter. Le voyage était long (parfois plus d'une semaine) et les correspondances épistolaires rendaient les discussions assez longues.

Avance rapide en 2011. L'analphabétisme a presque disparu de France, les déplacements sont aisés et les communications instantanées. Les personnes échangent massivement sur les réseaux sociaux, commentent l'actualité et expriment leurs opinions. Tout naturellement, les critiques (bonnes ou mauvaises) de leurs élus font parti des sujets abordés.

La suite logique est pour les citoyens d'interpeller leurs élus au travers de ces outils informatiques. Là où avant les secrétariats et les portes fermées des bureaux isolaient les élus, ils se retrouvent désormais beaucoup plus proches des citoyens. Voire même trop proche d'après certains élus… Le reproche qu'ils font est de se sentir scrutés par les citoyens qu'ils représentent, l'un parle même « d'invitation forcée dans mon bureau pour regarder par dessus mon épaule ».

En exprimant un désir fort de s'impliquer dans la prise de décisions politiques, et d'une façon plus large d'avoir un impact sur leur vie quotidienne, les citoyens se réapproprient des sujets qu'ils avaient délaissés; ou même jamais abordé.

La démocratie liquide

J'introduis ensuite la notion de démocratie liquide, concept simple à comprendre. Il s'agit d'une technique de vote qui correspond aux caractéristiques suivantes :

  • délégation transitive des voix : un votant peut confier tout ou une partie des voix dont il est dépositaire à une ou plusieurs autres votants. Un votant à qui on confie des voix peut les exprimer ou les confier à un autre votant
  • contrôle des voix : à chaque instant, un votant peut savoir qui est détenteur de sa voix, et la récupérer s'il le souhaite. Il peut alors la confier de nouveau à un votant, ou la conserver pour l'exprimer
  • le vote se déroule durant une période déterminée, à l'issue de laquelle les voix sont figées et leurs détenteurs les expriment.

Le résultat est un système fluide où les voix circulent et s'accumulent après des personnes estimées les plus compétences ou représentatives parmi les votants. Les différentes méthodes habituelles de calculs peuvent être utilisées pour départager les choix : majorité absolue ou relative, méthode de Condorcet, proportionnelle, etc. La démocratie liquide est une technique de vote et non pas une méthode de calcul des voix.

La remise en question de la place de l'élu

La question que je pose au final est de déterminer quels sont désormais les places et rôles des élus dans une société où les citoyens leur reprennent une partie des responsabilités qu'ils leurs ont confié.

Le résultat fut épique : applaudissements de l'audience et outrage des élus du panel (surtout UMP, Lancar excepté car il se pose des questions similaires). Les réponses des élus ont fusé spontanément et dans le désordre. J'ai relevé entre autre :

  • Pascale Luciani-Boyer, élue UMP : « je crois au geste de mettre un bulletin dans l'urne. Pour moi c'est un geste important et vital dans notre société »
  • Daniel Nouaille : « oui mais là ce que vous proposez c'est l'anarchie ! Plus d'élus, tout le monde est chef et chacun se mêle de n'importe quoi ! »
  • un élu semblait un peu perdu, le regard fuyant, dépassé en prenant connaissance de cette question et surtout de la réaction de la salle.
  • Patrice Carré , l'animateur du panel et historien, était amusé par les réactions et partageait ce constat historique et social.

Apparemment j'ai touché un point sensible : le rôle et la porté de l'élu. Je l'explique entre autre par le fait que nombreux sont les élus qui ont choisi de faire carrière dans ce milieu, allant de mandat en mandat. Ils n'ont alors pas de « vrai métier » en dehors de celui d'être « élu ». D'où la peur engendrée par la remise en question de leur activité professionnelle. À mon sens, c'est là une partie du problème : être élu n'est pas un métier, et on ne peut donc pas y faire carrière. La société civile bénéficierait du renouvellement des personnes en charge de la piloter. Pour moi, quand un élu passe du siège de maire à celui de député, pour ensuite aller vers un siège de président de région, pour enfin redevenir maire, il ne s'agit pas d'un changement mais d'une relocalisation. La société ne bénéficie pas de l'apport de compétences et d'idées fraîches, et donc stagne.

Une autre partie du problème est qu'il n'y a pas de véritable statut juridique de l'élu, avec cotisation (chômage, retraite, etc) associées. Un élu qui arrive en fin de mandat se retrouve sans emploi, et ne peut donc compter que sur les particularités spécifiques prévues (identités de départ, caisse, etc) ou sur le soutien de son parti politique afin de leui procurer un autre mandat. Cette approche me déplait fortement car des groupes de personnes travaillent donc à maintenir leurs statuts, alors que leur principale activité doit être de travailler sur les tâches que leur a confié la société.

D'une façon générale, ce qui est ressorti de cette session est que les élus ne sont pas à l'aise avec les outils numériques et les pratiques sociales sur le net, ont peur et se sentent dépassés car en perte de contrôle.

Conclusion

Le bilan que je fais de cette journée de rencontres collectivités-entreprises est que les membres de la société civile sont très inégalement à l'aise avec les pratiques liées au numérique : valorisation des données, échanges sociaux de masse, gestion collective… Il y a (encore !) un gros travail d'information à faire sur l'impact du numérique dans la vie quotidienne. Si les collectivités locales ont pris en main leurs obligations légales, elles restent néanmoins en retrait pour accueillir les citoyens dans cette démarche d'ouverte et de collaboration.

Notes

[1] Heureusement, à part une Rageuse qui a interpellé une élue UMP sur les illuminations de Noël, ça s'est plutôt bien passé. Tendu car des positions surprenantes se sont révélées, mais correct.

[2] quel dommage que sur Twitter il soit aussi tête-à-claque, s'il faisait moins de communication politicienne, on découvrirait qu'il a des choses très intéressantes à dire.

dimanche 11 décembre 2011

Bilan de début de parcours sur la mise en place des données ouvertes à Lyon

Contexte

Dans le cadre de mes activités avec le Parti Ꝓirate Rhône-Alpes pour la mise en place globale des données ouvertes à Lyon, je suis amené à rencontrer de nombreux élus, gestionnaires de collectivités, et responsables d’entreprises.

Si la première étape (rassemblement de personnes au fait des problématiques et motivées pour y répondre) de la mise en place est réalisée depuis de nombreux mois, la seconde (amorçage avec quelques partenaires industriels et administrations choisis et réactifs) est fortement bloquée. Les suivantes (implications des citoyens, établissement d'un écosystème, etc.) sont quant à elles incertaines.

Je liste ici les principaux problèmes que nous rencontrons et je tente d’y répondre par des propositions.

Problèmes rencontrés

Entreprises

Les PME & PMI sont mal informées sur les données ouvertes. Bien souvent elles ne connaissent pas cette démarche ou en ont une vision incomplète.

Les entreprises expriment de nombreuses craintes sur la publication de leurs données : harcèlement de démarcheurs commerciaux, intérêt économique de réaliser cet investissement, perte de contrôle sur l'activité, etc.

Les entreprises qui assurent des missions de service public (comme les TCL) refusent d’ouvrir leurs données les plus basiques sur les services qu’elles fournissent aux citoyens, argumentant que cela ne fait pas parti de leur contrat passé avec la ville. Elles déclarent les commercialiser selon des engagements spécifiques (non-redistribution, etc.)

Administrations

Il y a une absence flagrante de responsables dans les administrations locales : la pratique des données ouvertes y est quasi inexistante ; il n'y a donc pas d’organisation. Personne ne possède l’attribution de piloter l'ouverture des données, donc personne ne prend en charge cette question ; les services se renvoient la balle en se déclarant incompétents.

Citoyens

Les citoyens qui désirent individuellement mettre en place des initiatives de données ouvertes n'ont pas accès aux données nécessaires. Les entreprises leur claquent la porte au nez, et les administrations les promènent de service en service pour finalement les ignorer.

Propositions pour soutenir le développement des données ouvertes à Lyon

Les administrations doivent être motrices de l’amorçage de l’environnement des données ouvertes. Ce ne seront ni les entreprises (par crainte) qui seront à Lyon le moteur initial des données ouvertes, ni les citoyens (tributaires des données captives).

La collecte, la diffusion et l'utilisation de données ouvertes sauvages[1] est une solution tout à fait envisageable auprès de certaines entreprises récalcitrantes qui remplissent des missions de service public. Cette approche permet de mettre directement les entreprises en face de la question des données ouvertes, et de les obliger à prendre en compte l'évolution de la société.

Dans les administrations, il est nécessaire d'attribuer visiblement la responsabilité de la mise en place et de la gestion des données ouvertes, et ce dans une approche transversale des différents services. Le point de blocage étant ici politique, il est nécessaire de le régler à ce niveau via des personnes (élus, hauts responsables…) pouvant prendre des décisions et mettre en œuvre la démarche des données ouvertes.

Note

[1] J’appelle « données ouvertes sauvages » des données légalement mises à la disposition du public, mais non destinées par leur propriétaire à être réutilisées dans un cadre plus vaste. Par exemple, il peut s'agir d'informations sur un réseau de transport public, collectées via une aspiration de site web suivi d'une extraction. De telles données sont actuellement dans le cadre gris de la loi : pas explicitement interdites, mais pas non plus encadrées. Exemple : Indian Rail Database

samedi 10 décembre 2011

Interview pour Justine Fontaine

Dans le cadre de mes activités sur les données ouvertes à Lyon avec le PPRA, Justine Fontaine m'a interrogé pour réaliser une interview.

@article{Clauzel:2011:Zen-attitude-au-Parti-Pirate-lyonnais,
  title = {Zen attitude au Parti Pirate lyonnais},
  year = {2011},
  month = dec,
  day = 9,
  url = {https://damien.clauzel.eu/post/2011/12/10/Interview-pour-Justine-Fontaine},
  author = {Clauzel, Damien and Fontaine, Justine},
  keywords = {article, élection, Lyon, Parti Pirate, politique, presse, Rhône-Alpes, données ouvertes, transport},
  language = {french},
  abstract = {Gwendoline Desliens et Damien Clauzel seront les deux candidats du Parti Pirate aux législatives dans le Rhône. Comment le « PP » se prépare-t-il à l’abordage de ses élections (perdues d’avance?).}
}