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mercredi 15 octobre 2014

Accéder à ses données personnelles contenues dans les fichiers de l’État : le parcours du combattant patient

Les fichiers de l’État, et les moyens d’y accéder

L’État collecte et exploite de plus en plus de données sur les citoyens. C’est une bonne chose car cela permet un meilleur traitement administratif, simplifie la gestion des ressources publiques, et d’une façon générale améliore la productivité tout en offrant davantage de possibilités. Mais l’État multiplie également le fichage des citoyens pour des raisons invoquées de sécurité; et le contrôle du contenu de ces derniers est difficile car ils ne sont pas publics, là encore pour des raisons invoquées de sécurité.

La loi prévoit malgré tout un regard possible — mais restreint — des citoyens sur ces données qui les concernent. L’accès se fait au travers de la CNIL, qui est la seule autorité pouvant alors agir au nom des citoyens qui la saisissent. Problème : la CNIL est tout sauf réactive et ouverte au publique.

J’ai commencé une — longue — démarche pour accéder au contenu de ces fameux fichiers à accès restreint, et comme prévu cela ne se passe pas très bien.

Documentation de la CNIL :

2014-08-29 : envoi à la CNIL du courrier de demande d’accès indirects aux fichiers de l’État

La demande initiale est un simple courrier, mentionnant les fichiers que je souhaite consulter, avec la référence du texte de loi me garantissant ce droit. Rien que du très banal.

Objet : Demande d’accès indirect aux fichiers de l’État

Madame la Présidente,

Conformément à l’article 41 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée, je souhaite être informé des données me concernant dans les fichiers et services suivants, et en cas de refus d’accès de connaître la justification. Pouvez-vous me transmettre sous forme numérique une copie de ces données ?

• Fichier des personnes recherchées (FPR)
• Système d’information Schengen (SCHENGEN)
• Fichier des comptes bancaires (FICOBA)
• Réseau mondial visas (RMV 2)
• Police nationale (STIC)
• Gendarmerie nationale (JUDEX)
• Fichier National des Interdits de Stade (FNIS)
• Recueil de la documentation opérationnelle et d’information statistiques sur les enquêtes (ARDOISE)
• Fichiers de renseignement des services de l’information générale de la Direction Centrale de la Sécurité publique et de la Préfecture de Police de Paris
• Fichier de renseignement CRISTINA (Direction centrale du renseignement intérieur)
• Sécurité Extérieure (DGSE)
• Fichiers de sécurité militaire (DPSD)
• Fichier de renseignement militaire (DRM)
• Analyse criminelle (ANACRIM)
• Analyse et liens de la violence (SALVAC)

Sincèrement,
  Damien Clauzel

Pièces jointes : recto de carte d’identité et de carte vitale

L’encart de l’adresse pour envoyer les demandes ne précise aucune information sur l’envoi du courrier, mais le générateur de demandes mentionne qu’il faut utiliser un courrier recommandé. J’envoi un courrier simple, car il n’y a aucune raison pour moi de subir des frais supplémentaires.

2014-09-23 : courriel(s) de relance

Pas de nouvelle, bonne nouvelle ? Dans le doute, devant l’absence de réponse, je décide d’envoyer un simple courriel de rappel.

Objet : Relance de demande d’accès indirect aux fichiers de l’État

Madame,

Le 29 août 2014, j’ai adressé à la CNIL par courrier (copie en pièce jointe) une demande d’accès indirect aux fichiers de l’État pour les données me concernant.

Étant sans réponse de votre part, je vous relance donc par ce courriel, afin d’avoir la confirmation que ma demande a bien été prise en compte.

Sincèrement,
  Damien Clauzel

Problème : dans les moyens de la contacter, la CNIL ne propose pas d’adresse courriel, mais uniquement des coordonnées téléphonique, fax, et un formulaire web; avec à côté un numéro de téléphone pour le service presse et un formulaire web pour le webmaster : Accueil du public : Aucun renseignement n'est assuré sur place. La CNIL ne reçoit pas le public. Vous pouvez toutefois déposer des plis à l’accueil. Ça en dit très long du positionnement de la CNIL sur le numérique…

Quelques requêtes Google bien placées sortent une liste d’adresses courriel, pas forcément adaptées à ma demande (RH pour recrutement, etc.). Par exemple, les informations WHOIS donnent les coordonnées d’une personne rattachée au service juridique. L’annuaire du service public est aussi une bonne source pour trouver une personne à contacter directement[1]

Hop, mon courriel de relance est envoyé à la directrice de la Direction des relations avec les usagers et contrôle. Uh, wait… Déjà une réponse ?

Cette notification d'état de remise est générée automatiquement.

Échec de la remise aux destinataires

Mwouais… essayons le directeur adjoint, alors ? Cette fois, le courriel ne semble pas rejeté; reste à savoir s’il sera traité.

2014-10-01 : réponse de la CNIL

Dans un courrier de deux pages, la CNIL m’informe :

  • qu’effectivement je demande bien des informations contenues dans des fichiers à accès indirects ;
  • que certaines données du fichier FICOBA peuvent être demandés directement aux administrations, ce que mentionne pas la documentation du site web de la CNIL ;
  • que la demande pour le fichier ANACRIM nécessite des informations complémentaires, ce que mentionne pas la documentation du site web de la CNIL ;
  • que le fichier ARDOISE n’est plus d’actualité, alors qu’il est mentionné dans la documentation du site web de la CNIL ;
  • que ça va être long (« plusieurs mois »).

2014-10-01 CNIL DAI 1 2014-10-01 CNIL DAI 2





















2014-12-22 : premières informations obtenues par la CNIL

Dans ce courrier de deux pages, la CNIL m’informe :

  • que je ne suis pas fiché par les services du renseignement territorial et que je ne figure pas dans le fichier TAJ. Étant français de naissance et n’ayant jamais quitté l’Union européenne, c’est plutôt normal ;
  • que je ne suis pas concerné par l’enregistrement dans le fichier RMV2, car j’ai la nationalité française ;
  • que la DGSI refuse de communiquer la moindre information sur ce qu’elle pourrait avoir sur moi, au nom de « la sûreté de l’État, la défense et la sécurité publique » ;
  • que la DGSE refuse de communiquer la moindre information sur ce qu’elle pourrait avoir sur moi, au nom de « la sûreté de l’État, la défense et la sécurité publique » ;
  • que la DPSD refuse de communiquer la moindre information sur ce qu’elle pourrait avoir sur moi, au nom de « la sûreté de l’État, la défense et la sécurité publique » ;
  • que je dispose de deux mois pour déposer un recours contre le ministère de l’intérieur et le ministère de la défense, devant le Tribunal Administratif de Paris ;
  • que la CNIL continue à traiter mes demandes encore en cours.

2014-12-22 Réponse CNIL pour accès indirect aux fichiers 2014-12-22 Réponse CNIL pour accès indirect aux fichiers 2





















2015-02-05 : nouvelles informations obtenues par la CNIL

Dans ce courrier d’une page, avec en copie la réponse précédente, la CNIL m’informe :

  • que la Direction du Renseignement Militaire refuse de communiquer la moindre information sur ce qu’elle pourrait avoir sur moi, au nom de « la sûreté de l’État, la défense et la sécurité publique » ;
  • que je dispose de deux mois pour déposer un recours contre le ministère de la défense, devant le Tribunal Administratif de Paris ;
  • que la CNIL continue à traiter mes demandes encore en cours.

2015-02-05 Réponse CNIL pour accès indirect aux fichiers

2015-03-11 : nouvelles informations obtenues par la CNIL

Dans ce courrier d’une page, avec en copie l’extrait FICOBA, la CNIL m’informe :

  • qu’elle m’adresse une extraction du fichier FICOBA (fait 3 pages, je publie ici la première en noircissant mes informations bancaires), reprenant l’ensemble des données bancaires enregistrées me concernant (établissement, nature du compte, date d’ouverture, de modification ou de clôture) ;
  • que je ne suis pas enregistré dans le Système d’Information Schengen ;
  • que je ne suis pas enregistré dans le Fichier des Personnes Recherchées ;
  • que la CNIL continue à traiter mes demandes encore en cours (FNIS et SALVAC).

2015-03-11 Réponse CNIL pour accès indirect aux fichiers 2015-03-11 Extrait du fichier FICOBA, page 1





















Ce qui est important ici est que les informations du fichiers FICOBA sont erronées : elles m’attribuent la possession d’un compte bancaire dont j’ai demandé la fermeture il y a des années. Soit la banque n’a pas correctement procédé à la fermeture et ne m’a jamais adressé de relevé depuis (peu probable), soit elle a fait une erreur dans le relevé et la transmission des informations (probable), soit le fichier a été modifié ultérieurement en interne (peu probable). Je vais donc contacter la banque et demander des précisions.

On trouve également dans l’extrait du fichier FICOBA plusieurs fois les mêmes comptes, déclarés existant à différentes dates. Les données sont des instantanés des ajouts de nouveaux comptes bancaires, avec parfois un rappel d’autres comptes existants, mais pas tous. La logique de construction de l’extrait est assez difficile à comprendre, et surtout difficile à exploiter : il n’y a pas de liste complète à un moment donné, et la suppression de comptes n’apparaît pas. Je suppose qu’on doit pouvoir obtenir une meilleure vue en affinant la requête d’interrogation, mais en l’état c’est très difficilement exploitable.

Un élément intéressant est que la recherche dans le fichier FICOBA a été faite par mon №SPI, alors que les seules informations nominatives que j’ai fourni à la CNIL sont le recto de carte d’identité et de ma carte vitale. Je suppose donc que la table CNTDF de correspondance NIR/SPI a été utilisée pour me retrouver [2]. La section toulousaine de la Ligue des Droits de l’Homme présente bien cette interconnexion des fichiers.

Aussi, cet extrait FICOBA ne mentionne pas les comptes à l’étranger ; ce n’est d’ailleurs pas son rôle.

2015-04-22 : nouvelles informations obtenues par la CNIL

Dans ce courrier d’une page, la CNIL m’informe :

  • que la demande d’informations convenues dans le fichier SALVAC a été faite, mais que les lois ne « permettent pas de vous apporter de plus amples informations » ;
  • que je dispose de deux mois pour déposer un recours contre le ministère de l’intérieur, devant le Tribunal Administratif de Paris ;
  • que la CNIL continue à traiter mes demandes encore en cours (FNIS).

2015-04-22 Réponse de la CNIL pour l'accès aux fichiers indirects

La partie intéressante dans cette réponse est le paragraphe sur les informations obtenues du fichier SALVAC.

En application de ces articles [41 de la loi du 6 janvier 1978 modifié, et de l’article 88 de son décret d’application (№ 2005-309 du 20 octobre 2005 modifié)], toute opposition de l’administration gestionnaire d’un fichier soumis au droit d’accès indirect fait obstacle à la moindre communication de notre Commission, hormis l’indication des voies de recours qui sont alors ouvertes.

C’est à comprendre comme un refus catégorique de la part de la Direction Centrale de la Police Judiciaire que de communiquer la moindre information, invoquant le régime dérogatoire à la loi sur la sécurité intérieure.

C’est donc un fichier au contenu complètement opaque sur lequel les citoyens n’ont absolument aucun regard, même en passant par leurs représentants légaux. Il est non seulement impossible de vérifier la présence d’informations, mais aussi de s’assurer de leur exactitude et de leur pertinence.

Pire, ce fichier ne contient pas uniquement des informations sur les criminels, mais aussi sur les victimes. On peut donc être fichés par l’État indifféremment de son niveau de dangerosité pour la société. Inquiétant.

2015-06-15 : nouvelles informations obtenues par la CNIL et fin du dossier

Dans ce courrier d’une page, la CNIL m’informe :

  • que je ne suis pas enregistré dans le fichier national des interdits de stade (FNIS) ;
  • que la procédure est désormais terminée ;
  • qu’elle me met en pièces jointes l’ensemble des courriers précédents. En fait, tous sauf l’extrait FICOBA et le premier courrier.

2015-06-15 Réponse de la CNIL pour l'accès aux fichiers indirects

Aucune surprise ici, à part que pour la première fois le courrier a été envoyé au tarif « lettre verte » et non comme recommandé avec accusé de réception. 1,06€ au lieu de 5,05€, ça fait 4€ d’économie, ce qui n’est pas rien au vu du nombre de courriers envoyés pour chaque demande d’accès aux fichiers indirects.

Réflexions

En tout, il aura fallu 10 mois à la CNIL pour répondre à me demande d’accès à l’ensemble des fichiers indirects qu’elle liste sur son site web. La demande initiale a été un peu délicate à réaliser, car les moyens de contact de la CNIL sont peu évidents. Si j’étais mauvaise langue je dirais que c’est pour réaliser un filtrage des personnes motivées, mais je doute honnêtement que ça soit le cas. La CNIL étant sous financée et en sous effectif depuis des années, on comprend tout à fait qu’il puisse y avoir quelque hoquets. Mais une fois lancée, aucun besoin de faire de rappel, et les courriers arrivent tous seuls.

La durée de la procédure — 10 mois ! — m’a étonné. C’est long pour quelques simples demandes de consultation. En revanche, les réponses apportées par la CNIL sont très compréhensibles, c’est une très bonne chose.

S’il est effectivement possible de demander à accéder aux fichiers « sensibles » de l’État afin de connaître ce qu’ils contiennent à son sujet, en pratique la réalité est différente. Les services refusent de donner les informations demandées, au nom de « la sûreté de l’État, la défense et la sécurité publique ». De facto, le droit du citoyen prévu par la loi n’est pas effectif, et c’est problématique pour la transparence et la confiance.

Également, une demande comme celle que j’ai fait à la CNIL coûte cher : les courriers de réponse sont envoyés par recommandé avec accusé de réception. Je ne sais pas combien de personnes font des demandes d’accès aux fichiers indirects, mais avec plusieurs courriers de réponse par demande la facture monte vite[3]. Il serait intéressant de dématérialiser toute la procédure en proposant de consulter les résultats en ligne, ou mieux en utilisant des courriels chiffrés[4].

En outre, on met facilement en évidence la faible qualité des données de certains fichiers. Le problème d’actualisation des données dans une base à sources multiples est bien connu — et redouté — des informaticiens.

Expériences similaires

Il y a beaucoup de personnes en France qui sont les victimes de fichage erroné, avec plus ou moins d’impact sur la vie quotidienne. Les faux-positifs sont une des pires choses possibles en matière de fichage de renseignement, car non seulement on est abusivement répertorié, mais en plus on ne le sait pas, et les recours sont quasi impossibles car les services de renseignement/sécurité/justice/défense font tout ce qu’ils peuvent pour garder le contrôle sur leurs méthodes de travail. Se défendre, rectifier les informations, et obtenir un dédommagement pour le préjudice subit est une épreuve immense :

À suivre…

Notes

[1] Que les ayatollahs de la vie privée ne viennent pas hurler : c’est l’État lui-même qui publie ouvertement ces informations

[2] Arrêté du 28 mars 2006 relatif à la mise en service à la direction générale des impôts et à la Banque de France d'une procédure automatisée de transfert des données fiscales

[3] Un recommandé avec accusé de réception coûte 5,05€ en janvier 2015

[4] ce qui nécessite que le gouvernement avance sur la question de l’identité numérique, que les décrets soient mis en place, et les infrastructures déployées. Bref, ce n’est pas pour demain.

jeudi 27 février 2014

La guerre de la CNIL contre l'ouverture des données publiques : le cas des bans de mariage

Au nom de la protection de la vie privée, la CNIL s'est engagée depuis plusieurs années dans une lutte contre de nombreuses initiatives pour rapprocher les citoyens des données les décrivant. Le cas de la publication des bans de mariage est emblématique.

Ainsi, nous devons jongler entre les situations suivantes :

Célébrer un mariage en mairie, dans une salle ouverte au public : obligatoire (source: note de la Direction de l'information légale et administrative)

Le mariage doit être célébré à la mairie, dans une salle ouverte au public.

L’événement est public, afin que chacun puisse le constater s’il le souhaite.

Publier dans la presse l’information sur le mariage de 2 personnes : pas interdit (source: ouvrez un journal)

Il n’est nullement interdit de publier le récit d’un mariage civil. Les journaux dans les campagnes en sont remplis.

Publier un ban de mariage en mairie : obligatoire (source: article 63 du Code civil)

La raison est que les citoyens puissent prendre connaissance du prochain mariage, afin d'éventuellement s’y opposer (article 66 du Code civil)

Avant la célébration du mariage, l'officier de l'état civil fera une publication par voie d'affiche apposée à la porte de la maison commune. Cette publication énoncera les prénoms, noms, professions, domiciles et résidences des futurs époux, ainsi que le lieu où le mariage devra être célébré.

Récupérer en mairie les extraits d’actes de naissance, de mariage, de divorce, et de décès, d’une personne quelconque : autorisé (source: article 10 du décret n°62-921 du 3 août 1962)

Les dépositaires des registres seront tenus de délivrer à tout requérant des extraits des actes de naissance et de mariage.

Les extraits d'acte de naissance indiqueront, sans autres renseignements, l'année, le jour, l'heure et le lieu de naissance, le sexe, les prénoms et le nom de l'enfant tels qu'ils résulteront des énonciations de l'acte de naissance ou des mentions portées en marge de cet acte. En outre, ils reproduiront éventuellement les mentions de mariage, de divorce, de séparation de corps, de conclusion, modification ou dissolution de pacte civil de solidarité, de décès et de décisions judiciaires relatives à la capacité de l'intéressé. Les mentions relatives à la nationalité française qui auront été portées en marge de l'acte de naissance ne seront reproduites sur l'extrait d'acte de naissance que dans les conditions prévues à l'article 28-1 du code civil.

Les extraits d'acte de mariage indiqueront, sans autres renseignements, l'année et le jour du mariage, ainsi que les noms et prénoms, dates et lieux de naissance des époux, tels qu'ils résulteront des énonciations de l'acte de mariage ou des mentions portées en marge de cet acte. En outre, ils reproduiront les énonciations et mentions relatives au régime matrimonial ainsi que mentions de divorce et de séparation de corps.

Publier sur internet le ban de mariage : interdit par la CNIL. La CNIL considère qu’il s’agit d’une violation de la vie privée, et donne des consignes aux collectivités locales.

WTF ⁈¿ Il est donc obligatoire de communiquer une information légale sur un panneau, il est autorisé de la communiquer dans un journal, les administrations sont tenues de la communiquer aux demandeurs, mais la CNIL interdit de la communiquer numériquement, alors que la loi ne le mentionne pas.

Heureusement, le Sénat — parmi d’autres — travaille à lever les contradictions et à expliciter la possibilité de publier numériquement les informations de facto déjà publiques.

S'agissant des mariages, votre rapporteur a longuement examiné la question de la pertinence du délai fixé par le texte. Pourquoi faudrait-il attendre cinquante ans pour pouvoir consulter un acte de mariage, alors que tout ce qui est inscrit dans cet acte est lu à haute voix le jour du mariage et que la loi impose la publication des bans et l'ouverture des portes de la salle des mariages pour que quiconque puisse assister à la célébration ?

Mais la lutte pour l’ouverture des données publiques, et leur réutilisation, est loin d’être acquise.

dimanche 8 avril 2012

Fin du remboursement de l'homéopathie

La Sécurité Sociale est un secteur qui revient très régulièrement dans la liste des cibles prioritaires de reformes budgétaires. Au regard des restrictions mises en place, il est tout à fait normal de s’intéresser au plus près des lignes de budgets. Il n'est pas seulement question des remboursements, mais aussi du financement de la recherche scientifique, des impôts des grandes industries, et de la tenue budgétaire du secteur de la santé.

Ainsi, on peut se pencher sur le service médical rendu de chaque produit pharmaceutique, et dans le cadre d'une démarche validée scientifiquement de déterminer si un produit a un effet désirable suffisamment efficace. Tout comme régulièrement des médicaments sont supprimés ou remplacés par d'autres car ils deviennent obsolètes ou sont finalement examinés en profondeur, il n'y a pas de raison que l'homéopathie y échappe.

C'est pourquoi l’Académie nationale de médecine a demandé en 2004 le déremboursement des préparations homéopathiques en les classant comme appartenant à une « méthode obsolète » établie sur des « a priori conceptuels dénués de fondement scientifique » et compare l’homéopathie à « une doctrine à l’écart de tout progrès »[1].

Quant à lui, le KCE « recommande de réserver l’accès à cette pratique aux titulaires d’un diplôme de médecin » et conclu que « les traitements homéopathiques n’ayant pu démontrer de manière scientifique la moindre efficacité supérieure au placebo pour aucune indication médicale, il n’est pas recommandé de mettre leur remboursement à charge de l’assurance maladie obligatoire »[2].

Quand les chercheurs rient de l'homéopathie… :)

L'épistémologie médicale permet de construire un jugement neutre et objectif en se basant sur des faits sans a priori. Si les produits homéopathiques répondaient avec succès aux exigences de la médecine, très bien. Mais ce n'est pas le cas et ils doivent être traités pour ce qu'ils sont : du sucre. La simple croyance en un produit (qui relève d'un principe personnel comme toute croyance) ne peut se faire sans un regard critique dessus. On ne doit pas accorder une confiance aveugle à un produit juste parce qu'il est bien présenté, mais parce qu'il a démontré d'une façon suffisante et irréfutable son efficacité grâce à une méthodologie reconnue et validée[3]. Tous les médicaments et traitement doivent suivre ce même principe. L'homéopathie ne répond pas à ces critères.

Je propose l'arrêt du financement direct et indirect de l'homéopathie, et l’alignement de son taux de remboursement sur celui des placebos.

Naturellement, il ne s’agit pas d’interdire la production et la commercialisation des produits homéopathiques. Ils continueront d’être librement vendus en pharmacie — où des professionnels de la santé apportent conseils et recommandations — mais seront simplement remboursés au même titre qu’un produit classé comme placebo.

En France, les produits homéopathiques sont remboursés à hauteur de 30 %[4]. L’argent récupéré permettrait, au choix, de réduire le déficit de la Sécurité Sociale, d’améliorer l’accompagnement des malades dans les pathologies lourdes, de mieux rembourser des médicaments, etc.

Ce n'est pas un détail : les laboratoires pharmaceutiques obtiennent des crédits d'impôt, la Sécurité Sociale rembourse les produits homéopathiques, les visiteurs médicaux les recommandent aux médecins pour les prescrire aux patients. Il faut bien réaliser que chaque euro qui part dans l'homéopathie est un euro de moins pour la médecine sérieuse. La question qui oppose la recherche scientifique médicale et l'industrie de la santé est précisément cette question d'argent : est-ce justifié de financer, subventionner et rembourser les produits homéopathiques alors qu'il n'y a pas de validation reconnue par la communauté scientifique médicale ?

En l'état, les réflexions actuelles ne vont pas dans le sens de l'interdiction de l'homéopathie (tant qu'elle ne représente pas une pratique dangereuse et trompeuse), mais vers un arrêt de tout financement direct et indirect de la filière. La communauté scientifique s’accorde pour dire que l'effet des produits homéopathiques est le même que celui du placebo auquel ils étaient comparés : une amélioration de l’état d’un patient ne peut être spécifiquement reliée au traitement lui-même[5]. En matière de santé, il convient de s'en tenir à la raison et non à la passion.

Notes

[1] Maurice Guéniot, Faut-il continuer à rembourser les préparations homéopathiques ? Juin 2004

[2] KCE, État des lieux de l’homéopathie en Belgique. 2011

[3] CRIOC, Les médecines alternatives. 2012

[4] Assurance Maladie, Relevé et taux de remboursement

[5] Aijing Shang MD,Karin Huwiler-Müntener MD,Linda Nartey MD,Peter Jüni MD,Stephan Dörig,Jonathan AC Sterne PhD,Daniel Pewsner MD,Prof Matthias Egger MD, Are the clinical effects of homoeopathy placebo effects? Comparative study of placebo-controlled trials of homoeopathy and allopathy. The Lancet, 27 August 2005 (Vol. 366, Issue 9487, Pages 726-732). DOI: 10.1016/S0140-6736(05)67177-2

samedi 7 avril 2012

Décentralisation de l'État

Si 82% de la population française vie en dehors de l’île de France, l’intégralité des ministères et institutions nationales françaises s’y trouvent pourtant.

L’état a entrepris en 1982 de généraliser le processus de décentralisation industrielle entamée dans les années 1960[1][2], mais ce projet stagne[3][4] : les paroles ne sont pas suivies par des actes. Il y a eu certes quelques réalisations — telles des lois sur l’autonomie financière de collectivités territoriales, ou encore les IEP à Strasbourg, Reims et autres [5] — mais cela reste anecdotique au regard de la centralisation maintenue en place[6].

En m’appuyant sur ce constat de concentration des compétences et des idées, une idée que je soutiens est de fragmenter les petits cercles parisiens pour les enrichir d’idées et de techniques fraîches.

Le Parti Ꝓirate aime la répartition des pouvoirs et la lutte contre les monopoles, quels qu’ils soient. Permettre au reste de la France — en commençant par la métropole pour ensuite l’étendre à l’Outre-mer — d’accéder à la richesse et au dynamisme qu’apporte la présence d’un ministère ou d’une grande institution est une volonté naturelle.

Décentralisation et réforme des collectivités

Je propose de reprendre le travail de décentralisation en relocalisant les ministères en Province.

De nos jours, les communications sont aisées et permettent un réel travail qui implique des partenaires multiples; les entreprises françaises le font chaque jour. Les lignes TGV fournissent également des déplacement rapides et aisés, tout en permettant de travailler dans de bonnes conditions durant les trajets[7]. Il est tout à fait réalisable pour la France d’avoir, par exemple, le ministère de l’Éducation Nationale à Lille, le ministère de la Santé à Lyon, le ministère de la Pêche à Marseille, le ministère de la Justice à Bordeaux, etc. Les ministères qui assurent les fonctions critiques de l’état[8] — resteraient en revanche à Paris afin de maintenir les interactions fortes avec le gouvernement.



Les difficultés envisagées sont :

  • l’opposition d’élus et hauts fonctionnaires qui refuseraient de manquer une partie de la vie politique parisienne ;
  • l’impact sur la vie de famille des fonctionnaires, provoqué par les déménagements nécessaires.

Les gains réalisables sont :

  • des plus-value foncières : la vente de grands bâtiments en plein cœur de Paris permettra de financer l’achat de locaux neufs et adaptés dans des villes où le marché immobilier est plus abordable ;
  • le soutien aux entreprises de services locales : maintenance, entretien, etc. ;
  • la relance de la décentralisation. Elle stagne actuellement, le gouvernement doit donner l’exemple ;
  • le rapprochement des élus et administrations vers les citoyens.

On constate que les principaux points de blocage sont humains. Délicats, donc, mais pas insurmontables. La question est alors : oserons-nous finir la décentralisation ?

Notes

[1] Assemblée nationale, La décentralisation (1789 - 2010)

[2] Wikipédia, Décentralisation en France

[3] Line Arsenault, Les grandes étapes de la décentralisation en France. 2005

[4] Bernard Guesnier, Vingt cinq années de décentralisation en France : bilan et perspective pour l’action publique territoriale. 2008

[5] Wikipédia, Science Po

[6] Wikipédia, Gouvernement François Fillon (3)

[7] Bonus : lorsque les élus et hauts fonctionnaires se mettront à voyager régulièrement en TGV, on pourra être sûrs que la SNCF fera tout son possible pour que ses trains recommencent à circuler à l’heure…

[8] non pas que la recherche, l’industrie ou la culture ne soient pas vitales pour la France, mais vous comprenez ce que je veux dire, n’est-ce pas ?

dimanche 11 décembre 2011

Bilan de début de parcours sur la mise en place des données ouvertes à Lyon

Contexte

Dans le cadre de mes activités avec le Parti Ꝓirate Rhône-Alpes pour la mise en place globale des données ouvertes à Lyon, je suis amené à rencontrer de nombreux élus, gestionnaires de collectivités, et responsables d’entreprises.

Si la première étape (rassemblement de personnes au fait des problématiques et motivées pour y répondre) de la mise en place est réalisée depuis de nombreux mois, la seconde (amorçage avec quelques partenaires industriels et administrations choisis et réactifs) est fortement bloquée. Les suivantes (implications des citoyens, établissement d'un écosystème, etc.) sont quant à elles incertaines.

Je liste ici les principaux problèmes que nous rencontrons et je tente d’y répondre par des propositions.

Problèmes rencontrés

Entreprises

Les PME & PMI sont mal informées sur les données ouvertes. Bien souvent elles ne connaissent pas cette démarche ou en ont une vision incomplète.

Les entreprises expriment de nombreuses craintes sur la publication de leurs données : harcèlement de démarcheurs commerciaux, intérêt économique de réaliser cet investissement, perte de contrôle sur l'activité, etc.

Les entreprises qui assurent des missions de service public (comme les TCL) refusent d’ouvrir leurs données les plus basiques sur les services qu’elles fournissent aux citoyens, argumentant que cela ne fait pas parti de leur contrat passé avec la ville. Elles déclarent les commercialiser selon des engagements spécifiques (non-redistribution, etc.)

Administrations

Il y a une absence flagrante de responsables dans les administrations locales : la pratique des données ouvertes y est quasi inexistante ; il n'y a donc pas d’organisation. Personne ne possède l’attribution de piloter l'ouverture des données, donc personne ne prend en charge cette question ; les services se renvoient la balle en se déclarant incompétents.

Citoyens

Les citoyens qui désirent individuellement mettre en place des initiatives de données ouvertes n'ont pas accès aux données nécessaires. Les entreprises leur claquent la porte au nez, et les administrations les promènent de service en service pour finalement les ignorer.

Propositions pour soutenir le développement des données ouvertes à Lyon

Les administrations doivent être motrices de l’amorçage de l’environnement des données ouvertes. Ce ne seront ni les entreprises (par crainte) qui seront à Lyon le moteur initial des données ouvertes, ni les citoyens (tributaires des données captives).

La collecte, la diffusion et l'utilisation de données ouvertes sauvages[1] est une solution tout à fait envisageable auprès de certaines entreprises récalcitrantes qui remplissent des missions de service public. Cette approche permet de mettre directement les entreprises en face de la question des données ouvertes, et de les obliger à prendre en compte l'évolution de la société.

Dans les administrations, il est nécessaire d'attribuer visiblement la responsabilité de la mise en place et de la gestion des données ouvertes, et ce dans une approche transversale des différents services. Le point de blocage étant ici politique, il est nécessaire de le régler à ce niveau via des personnes (élus, hauts responsables…) pouvant prendre des décisions et mettre en œuvre la démarche des données ouvertes.

Note

[1] J’appelle « données ouvertes sauvages » des données légalement mises à la disposition du public, mais non destinées par leur propriétaire à être réutilisées dans un cadre plus vaste. Par exemple, il peut s'agir d'informations sur un réseau de transport public, collectées via une aspiration de site web suivi d'une extraction. De telles données sont actuellement dans le cadre gris de la loi : pas explicitement interdites, mais pas non plus encadrées. Exemple : Indian Rail Database